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Comment observer les papillons de nuit ?
Partie 3

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La miellée

Pour certaines espèces, comme les noctuelles des genres Catocala, Apamea lithoxylea ou Scoliopteryx libatrix, la lumière n'est pas toujours efficace pour les attirer. Une alternative est de les attirer avec un mélange très odorant de substances sucrées et alcoolisées que l'on nomme miellée. On badigeonne au pinceau des troncs d'arbres à 1m50 de hauteur sur une surface d'environ 20cm par 30cm. Il est aussi possible d'enduire des cordes de lin ou des serpières avec le mélange et les disposer sur la végétation. Par contre, le mélange est inefficace s'il est disposé sur le sol ou sur une paroi rocheuse. L'idéal est de mettre en place la miellée en fin de journée, avant le coucher du soleil pour que l'odeur ait le temps de diffuser dans l'atmosphère. A noter que la miellée semble totalement inefficace par temps humide (pluie ou brouillard).

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Figure 7 : Satellite, Eupsilia transversa, se gavant sur la miellée.

Il n'y a pas vraiment de recette et beaucoup de personnes utilisent ce qu'ils ont sous la main pour préparer leur miellée. La base est toutefois toujours la même : des substances sucrées comme des fruits très mûrs (bananes, poires, melons, etc...) ou du sucre (sucre de canne ou vergeoise), et de l'alcool (bière forte, rhum, vin). On peut y ajouter du vinaigre de vin, de la mélasse ou des sirops aux fruits. Il faut privilégier les produits naturels et éviter les produits trop artificiels. Si le mélange est trop liquide, on peut l'épaissir avec de la maizena.

J'ai pendant longtemps utilisé un mélange de bananes très mûres, de sucre, de bière (Leffe ou équivalent) et de rhum. J'ai cependant changé de recette il y a un an et demi. Aujourd'hui, j'utilise du vin (rouge) saturé en sucre avec un peu de miel pour parfumer. Il faut qu'il reste constamment un dépot de sucre au fond de la bouteille. Si le sucre se dissout entièrement, c'est que le vin n'en est pas encore saturé. Le liquide doit être assez épais. Il ne faut pas lésiner sur la quantité de sucre : 2kg (voire plus) pour 1 litre de vin. Les résultats me semblent meilleurs avec cette recette que la précédente.

Cette méthode est très efficace pour nombre de noctuelles. Par contre, elle est évidemment inefficace pour les bombycoïdes (Saturniidae, Lasiocampidae, Lymantrinae, Notodontidae, etc...) qui ne se nourrissent pas à l'état adulte. Elle est donc complémentaire des méthodes basées sur la lumière.

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Figure 8 : Groupe de noctuelles se nourrissant sur la miellée.

La recherche sur les troncs en hiver

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Figure 9 : Femelle d'hybernie hâtive, Phigaliohybernia (= Agriopis) marginaria. Les femelles de cette espèce hivernale ne volent car elles ont des ailes atrophiées. La seule façon de les trouver est de les chercher à la lampe sur les troncs.

Chez certaines espèces de papillons, notamment les géomètres hivernales, les femelles possèdent des ailes atrophiées et ne volent pas. Ces espèces vivent généralement au dépens de nombreuses espèces d'arbres et arbustes et les chenilles se nymphosent dans la littière forestière. Après leur émergence, les femelles vont grimper sur les troncs d'arbres et y attendre l'arrivée des mâles qui, eux, possèdent des ailes normalement développées et volent à la recherche des femelles. C'est au moment où les femelles se trouvent sur les troncs qu'elles sont les plus faciles à trouver. Il suffit de les chercher à la lampe frontale ou avec une torche en inspectant les troncs des gros arbres le long des allées forestières. Généralement, on y observera aussi beaucoup de mâles en train de se reposer. Il s'agira essentiellement des espèces des genres Operophtera, Phigaliohybernia, Erannis, Agriopis, Phigalia, Apocheima et Theria. Une simple ballade nocturne en forêt peut permettre d'observer des centaines, voire des milliers d'individus en l'espace d'une heure ou deux. A noter que les mâles Phigaliohybernia (= Agriopis) marginaria ne sont pas ou peu attirés par la lumière et qu'il faut donc les chercher sur les troncs, tout comme les femelles. A l'inverse, les mâles Erannis defoliaria viennent à la lumière mais sont difficiles à trouver à la lampe torche. Pour le genre Theria, on ira se promener dans le bocage (le long des routes par exemple) ou sur des coteaux embroussaillés. Les mâles sont bien visibles, posés à l'extrémité des branches d'aubépines et de prunelliers. Par contre, la miellée est toujours utile pour observer les noctuelles qui hivernent, telles que Scoliopteryx libatrix, Eupsilia transversa ou les espèces du genre Conistra.

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Figure 10 : Groupe de mâles de cheimatobies hiémales, Operophtera brumata, posés sur un tronc. De tels rassemblements sont fréquents et on observe habituellement plusieurs mâles posés sur chaque tronc d'arbre en plein coeur de l'hiver.


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La recherche des oeufs et chenilles

Complété prochainement.

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Figure 17 : Chenille de bombyx du chêne, Lasiocampa quercus. On trouve assez souvent ces grosses chenilles au printemps sur divers arbustes. Leur élevage permet d'obtenir des femelles vierges qui peuvent servir à attirer des mâles.

Faute de pouvoir observer toutes les espèces à l'état imaginal, il est important également de rechercher les chenilles, aussi bien de jour que de nuit. On peut utiliser un parapluie japonnais et battre la végétation pour y faire tomber les chenilles. Avec un peu d'expérience, la recherche visuelle peut aussi donner de bons résultats, surtout la nuit lorsque les chenilles sortent de leur cachette pour se nourrir. Cela permet notamment d'obtenir des individus adultes en parfait état et de déterminer sur quelle espèce de plante vit telle espèce de papillon. La recherche des chenilles est d'ailleurs la méthode la plus efficace pour certaines espèces, comme la rare et protégée Laineuse du Prunellier (Eriogaster catax).

Phéromones sexuelles

Cette méthode mériterait à elle seule un article complet (ce sera pour plus tard). Pour un certain nombre d'espèces, il s'agit de la seule méthode permettant d'observer efficacement et régulièrement des individus. Les phéromones de synthèse ont en particulier révolutionné les connaissances sur la famille des Sesiidae.

Chez les papillons de nuit, ce sont généralement les femelles qui attirent les mâles à l'aide de phéromones sexuelles, sortes d'odeurs spécifiques pour chaque espèce. Chez certaines espèces comme le Petit Paon de Nuit, les mâles sont capables de détecter les phéromones d'une femelle à une distance de plus de un kilomètre. Depuis longtemps, les entomologistes ont appris à utiliser des femelles vierges pour attirer les mâles, notamment de Saturniidae (Petit Paon de Nuit, Hachette, etc.) et de divers Bombyx (comme le Bombyx du Chêne). Il suffit de garder une femelle vierge dans une cage grillagée dans un habitat favorable pour voir les mâles arriver en nombre. Cependant, cela implique (de trouver et) d'élever les chenilles. Des laboratoires ont isolé et analysé les phéromones d'un grand nombre d'espèces (pas uniquement chez les papillons), notamment dans le cadre de la lutte biologique contre des espèces s'attaquant aux cultures. Plusieurs de ces laboratoires sont capables aujourd'hui de synthétiser ces mêmes phéromones et les proposent à la vente pour un prix modique. En Europe, il s'agit principalement de la Pherobank en Hollande. Ils disposent d'un catalogue de plusieurs dizaines d'espèces et peuvent fournir des mélanges de molécules à la demande (sous réserve d'être capable de produire les dites molécules).

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Figure 10 : Mâle de Sésie-fourmi (Synanthedon formicaeformis) attiré par une phéromone de synthèse.

Les phéromones de synthèse se présentent soit sous forme d'un bout de caoutchouc (contenant le mélange odorant) soit un tube en plastique transparent fermé (contenant les molécules sous forme gazeuse). Il ne faut surtout pas ouvrir le tube sous peine de perdre instantanément tout le mélange. Pour les utiliser, il suffit de les suspendre sur la plante-hôte et d'attendre. Dans le cas des Sésies, les mâles arrivent généralement en moins de 10 minutes. Pour d'autres espèces, cela peut prendre un peu plus de temps. Les phéromones peuvent être réutilisées un grand nombre de fois et se conservent plusieurs années au réfrigérateur (pour des utilisations fréquentes) ou au congélateur (pour des utilisations rares).

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Autres méthodes

Jusqu'à présent, j'ai parlé principalement des méthodes d'observations des papillons durant la nuit. Cependant, il ne faut pas oublier qu'un certain nombre d'espèces s'observent également ou uniquement de jour. C'est notamment le cas des mâles Petit Paon de Nuit (Saturnia pavonia), Bombyx du Chêne (Lasiocampa quercus) et Hachète (Aglia tau) qui volent de jour, contrairement à leurs femelles qui sont elles bien nocturnes. D'autres espèces, comme le Lambda (Autographa gamma) s'observent aussi bien de jour que de nuit. Enfin, plusieurs espèces de papillons dits "de nuit" (en fait des macro-hétérocères) volent uniquement de jour : la Panthère (Pseudopanthera macularia), la Géomètre à Barreaux (Chiasmia clathrata), la Doublure Jaune (Euclidia glyphica) ou le Moro-Sphinx (Macroglossum stellatarum).

Les prospections de jour avec un filet à papillons sont donc nécessaires. On peut aussi inspecter les troncs et les murs à la recherche de papillons endormis. Il est souvent possible aussi de surprendre des petites espèces nocturnes, en particulier de Geometridae en battant la végétation de jour. A la campagne, il est toujours intéressant aussi d'inspecter les environs des éclairages publics, en particulier ceux utilisant des tubes fluorescents, pour y découvrir des papillons de nuit endormis. Les éclairages des villes n'attirent par contre généralement plus que très peu d'individus. Cependant, lorsqu'ils n'ont pas encore été retirés, les éclairages utilisant des lampes à vapeur de mercure peuvent parfois laisser quelques surprises, même en plein centre-ville.

En hiver, plusieurs espèces de papillons hivernent dans des blockhaus, des caves, des grottes ou des combles. Il est toujours intéressant de prospecter ces milieux lors des grands froids. On pourra y découvrir des espèces telles que la Découpure (Scoliopteryx libatrix), l'Ornéode du chèvrefeuille (Alucita hexadactyla), l'Incertaine (Triphosa dubitata), le Paon-de-Jour (Aglais io ou la Grande Tortue (Nymphalis polychloros). Attention cependant à ne pas perturber le sommeil des chauve-souris qui occupent les mêmes lieux. Une légère hausse de température de 0,5°C de l'atmosphère de la pièce où elles dorment suffit à les réveiller avec des conséquences drammatiques sur leur survie. Il faut éviter de les éclairer et surtout ne pas utiliser de flash pour faire les photos dans la pièce (même pour les papillons). Pour commencer, il est fortement recommandé d'y aller en compagnie d'un chiroptérologue expérimenté.

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Figure 10 : Découpure passant l'hiver dans un blockhaus.

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La photographie de nuit

Pour la plupart des espèces de papillons de nuit, une bonne photographie suffit à les identifier. Cependant certaines espèces nécessitent la dissection des pièces génitales pour établir une identification exacte. Certaines espèces étant rares ou protégées par la loi, il est fortement déconseillé de les capturer pour les mettre en collection ou les disséquer. Personnellement, je ne capture que lorsque la dissection des genitalia est nécessaire et jamais plus de deux ou trois spécimens par phénotype. Le reste du temps, je me contente de prendre les animaux en photo. Cela me permet de garder une archive des espèces observées afin de réaliser de futures ocomparaisons ou vérifier des identifications douteuses. Et ce la suffit largement à prouver l'existence d'une espèce à un endroit donné. A moins d'être chercheur, la collection d'individus n'est plus très utile.

La macrophotographie de nuit est cependant très contraignante. On retrouve évidemment toutes les contraintes rencontrées de jour (faible profondeur de champs, luminosité faible liée à l'utilisation d'une petite ouverture, risque de bougé) en plus des contraintes liées à l'obscurité. L'autofocus, déjà peu efficace de jour en macrophotographie devient totalement inopérant dans l'obscurité. Le flash a souvent tendance à brûler les photos. S'il ne s'agit pas d'un flash annulaire, il provoquera en outre des ombres très marquées et un éclairage très mal réparti si on utilise une seule source de lumière. En outre, un flash ne résout pas le problème de la mise au point dans le noir.

La première bonne alternative pour compenser le manque de lumière est l'utilisation d'un flash annulaire. Je ne m'étendrai pas sur ce type de flash car je n'en ai jamais utilisé. Ces systèmes sont en outre très onéreux. Il existe des sources lumineuses permanentes, appelées à tord "flash annulaire", qui sont constituées d'un "anneau" de LED. L'ensemble se fixe sur l'objectif et assure un éclairage permanent comparable à ce qu'on aurait avec un vrai flash annulaire. Cependant, si on est trop près du sujet à photographier, seul le tour de la photo sera correctement éclairé et le centre restera plus sombre. Il faut pouvoir garder une distance d'au moins 10-15 cm pour avoir des bons résultats.

Depuis plusieurs années, j'utilise deux éclairages permanents à LED. Il s'agit de boîtiers contenant plusieurs LEDs (64 dans mon cas, mais les modèles plus petits conviendraient aussi) et fonctionnant sur piles AA (2-3 heures d'autonomie). Un boîtier est placé de chaque côté de l'appareil photo, ce qui permet d'avoir une lumière assez homogène. On peut les orienter plus ou moins directement vers le sujet à photographier et ainsi compenser les problèmes de reflets sur les écailles des papillons. Ces boîtiers permettent en outre de faire la mise au point comme en plein jour. Le seul inconvénient est que ces éclairages puissants peuvent effrayer certaines espèces et rendre plus difficile l'approche préliminaire à la photo. Accessoirement, j'utilise ces boîtiers pour observer ce qui se passe autour de moi lorsque j'entends un animal arriver. Ils ont en effet une portée d'éclairage de plusieurs mètres et peuvent même permettre de photographier des animaux à quelques mètres de distance.

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Comment observer les papillons de nuit ?
Partie 4